Gaucher Mainpure - Un polar d'Allain Leprest - 2000

Gaucher Mainpure - Chapitre 9 - Allain Leprest

Résumé des épisodes précédents : Quand le cœur va tout va ! Mais là rien ne va plus, voici un Gaucher Mainpure et Jean Brûlé son oncle, son tuteur accusés de crime de lèse seigneur. Rien ne va plus sauf un homme révolté qui ouvre une porte quelque part en Paris.

Lentement il tira la porte après lui, une petite pluie tétait le pavé, sa silhouette en reflet s'y prolongeait comme si elle voulait entrer dans ce sol, y puiser sa force. La nuit ne laissait percer aucun son, aucun lumignon dans sa cape lugubre. Ses pas glissaient, il avançait certain qu'il saurait, descendant par les ruelles, retrouver le quai de Seine puis longer la rive pour enfin atteindre son village et là...
- Où allez-vous jeune ?
Une main puissante s'est accrochée au tissu de son manteau et d'une poigne irrésistible le happa sous un porche. Il tenta de se débattre mais l'autre main invisible encerclait déjà son cou juste sous le menton. Il savait fort qu'il ne pouvait crier quand même il l'aurait pu. Sur le point d'abandonner toute espérance, il entendit à son oreille une voix chère.
- Gaucher je te croyais plus prudent et plus aguerri !
L'inconnu avait relâché sa prise alors, avec un sourire penaud l'éphémère captif se retourna vers lui.
- Père Robert... Que faites-vous ici ? Et l'oncle Jean... ? demanda-t-il en toussotant à son agresseur le brave curé d'Ivry Robert Gérard, frère de son maître tailleur de pierre.
- Il est au plus mal à l'heure qu'il est, il croupit en citadelle ou roule vers elle, c'est une affaire bien compliquée et je te prie de m'accorder que ce n'est pas le lieu pour en parler.
Non loin, Gaucher entendit un raclement de gorge, il agrippa le bras du prêtre.
- Laisse ! C’est Anselme l'homme que mon frère t'avait dit d'attendre avant de prendre la route, il a la maladie mais sa clochette de pestiféré peut servir cette fois à éloigner le zèle de nos chers archers. Il va nous accompagner non là où tu voulais aller, mais dans un endroit que je n'ai guère l'habitude de fréquenter, suis moi...
Ils s'engagèrent dans la venelle, on eut dit que l'ombre enfin tenait sa musique, Le tintement douloureux d'un minuscule grelot ranimait les cœurs.
- Anselme, murmura le curé, nous conduira où l'on peut avoir besoin de mains fortes, la taverne où s'est réfugié le passeur muet qui t'as mené à Paris.
- Honhon ?
- Lui-même... puis nous aviserons.
Seul un chien errant vint interrompre leur cheminement d'un aboiement plaintif jusqu'à l'arrivée devant une maison, où la seule trace de vie était une écuelle posée sur un rebord de pierre.
- Celle du pauvre ! fit l'abbé se signant, preuve que ces bougres n'ont rien oublié grommela-t-il.
Mainpure sourit, l'Anselme frappa d'une façon peu habituelle, un bruit de pas : la porte s'ouvrit. Les trois hommes alors pénétrèrent dans ce qui semblait être pour Gaucher, une immense cuisine, propre à nourrir à elle seule la moitié de son village.
Il distingua dans la semi-obscurité Honhon parmi une dizaine d'hommes attablés.
Derrière eux, près d'une cheminée frissonnante, ficelé de tous ses membres sur une chaise, crachait et râlait un petit chétif aux cheveux gris et raides dont la vision fit se ruer Mainpure sur lui.
- C'est toi.. Hein... C'est toi salaud... C'est lui !
Honhon l'arrêta d'un mouvement du bras.
- Nom de... Pardon seigneur ... J'ai vu cet homme près de la ferme de ton oncle.
- Je vous présente le sieur Peyrac leur lança en riant un grand type qui avait tout des oripeaux du pauvre et la grâce d'un prince en se dressant au milieu de l'assemblée.

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