Gaucher Mainpure - Un polar d'Allain Leprest - 2000

Gaucher Mainpure - Chapitre 11 - Allain Leprest

Résumé de l'épisode précédent.- Jean Brûlé, l'oncle de Gaucher Mainpure, vient d'être condamné à mort par pendaison. Nous voici chez « la belle Catherine » avec l'abbé Robert, son frère maître Gérard, Honhon et la bande à Villon,

Honhon claqua sèchement des doigts. Sous la clarté vacillante des bougies, dix silhouettes se dressèrent et, accompagnant de la clochette Anselme le lépreux, glissèrent vers la sortie. Gaucher suivait du regard ce cortège fantomatique jusqu'au grincement léger de la porte.
- Laisse ! Ils ont à faire, murmura Antoine, l'index sur les lèvres, et nous aussi d'ailleurs. L'ami Villon tient à te présenter une jeune connaissance, quant à vous l'abbé, maître Gérard et votre Perdrix, rentrez à vos besognes, nous embarquons le môme, il nous faut tout résoudre en la nuit même.
L'abbé sourit et le maître grogna, la belle lança un éclair bleu à l'adresse de Mainpure, tous trois quittèrent l'auberge. Le tenancier ramassa les chopes vides, Villon se leva et saisit amicalement l'épaule de Gaucher.
- Garçon... ton seigneur est un joli drôle !
- N'est-ce pas Peyrac ! lança Antoine au râblé ligoté sur sa chaise. Allez ! Donnant, donnant, la vérité contre ta liberté, le nez et les oreilles en moins.
- J'ai tout dit, hurla le rabougris.
- Laissez-moi faire, commanda Gaucher, saisissant un couteau sur la table et s'approchant de lui.
- Arrête ! Arrête ! supplia Peyrac. Bon... voilà... c'est vrai, Chartrain voulait contrôler le marché des vins sur Paris, il avait besoin d'homme sûr... Monthéus ton martre fermier. Çà j'ai déjà dit c'est lui qui a tout manigancé et moi j'ai arrangé le coup du port avec un archer.
- On l'savait et alors... le gibier dans la ferme de mon oncle ?
- Pauvre pomme, tu sais ce qu'il y a sous ton champ d'haricots ?
- Dis !
- ... De la pierre et encore de la pierre. De quoi construire cent cathédrales, t'as compris ! C'était donnant, donnant, comme vous dites, entre Chartrain et Monthéus le pinard contre la carrière.
Mainpure s'approcha de lui avec son couteau et trancha ses liens.
- File !
Peyrac n'en demanda pas plus, Quand il eut prit le large, Villon reprit la parole :
- Pas mal, paysan ! On t'a parlé d'une connaissance tout à l'heure c'est plus que temps d'aller la voir.
- Pardon !
- Jolie, gironde quoi ! Un défaut, c'est la compagne du roi... Agnès Sorel. On va chez elle, je n'y suis plus en odeur de sainteté mais sa porte franchie tes pupilles feront le reste. Raconte-lui ce que tu sais, je la sais assez bonne pour en toucher deux mots au couronné.
Gaucher s'emplit d'une goulée d'air et sur leur invitation emboîta le pas des deux hommes. La rue était presque claire.
Le chemin fût long, auprès de Gaucher les deux grands devisaient à voix basse. Arrivés au pied d'une façade de bois sculpté Antoine frappa le carreau d'une fenêtre, une ombre se profila dans la pièce, puis un visage s'y colla pour scruter les visiteurs, un bruit de gong se fit entendre.
Les trois hommes entrèrent sur l'invitation d'une femme dont les traits et les courbes firent un instant vaciller les chevilles de Mainpure.
- Heu... entama Antoine
- Agnès, poursuivit Villon, si vous le voulez les excuses viendront plus tard...
Elle pinça les lèvres.
- Voilà... ce jeune homme a besoin de votre recours, lui et son oncle sont victimes de grandes injustices.
Gaucher recouvrant la parole balbutia
- S'il vous Plaît, Madm,... Madm...
- ... Agnès Sorel, mademoiseau vous avez une heure pour plaider ! Messieurs, je ne vous retiens pas.
Villon et Antoine, tous sourires contenus se replièrent à reculons vers la sortie, laissant, les bras ballant, leur protégé face au regard scintillant de son hôtesse. L'huis refermé Gaucher entendit battre sous son manteau sale un vol de perdrix.

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