Putain d’réverbère
En hommage à cette vieille dame des trottoirs qui déclarait qu’à presque 70 ans, si elle continuait à tapiner, c’est parce que seule, elle n’avait aucun revenu, et pour rien au monde, elle n’abandonnerait ses chats, et qu’il fallait bien qu’elle les nourrisse.
Putain d’réverbère
Ses longs cheveux couleur ficelle
Couvrent ses seins un peu tombants
Les résilles’ de ses vieux collants
L’habillent pour la bagatelle
Elle est perchée sur le trottoir
Pendue le long d’un réverbère
Attendant qu’un client suggère
Quelques caresses’ contre un pourboire
Son boulot, elle connait par cœur
Soixante ans de profonds services
Dans le dictionnaire du vice
Elle sait les postures et les mœurs
Le poids des années a tracé
Des fissures et des excédents
Des brisures et des excréments
Qu’aucun régime’-lifté ne r’fait
Elle’ se parade de clinquant
Au fil d’un rang de fausses perles
Assorties au boiteux des dents
Des boucles d’oreilles’ goût ciment
Pour cacher tous ses blancs de peur
Ses rouges des bajoues aux lèvres
Ont des tressaillements de fièvre
Son rimmel n’est plus trop à l’heure
Son rêve de petite enfant
La voyait danser sur la scène
Mais ses entrechats … de sirène
Ont même’ raté le french-cancan
Elle avait rêvé de Brodway
Avec ses sunlight, ses paillettes
Le réverbère lui projette
Des ronds d’lumière sur le pavé
Elle a bien tenté d’être’ caissière
Mais l’patron n’était pas novice
Il arguait un droit sur ses cuisses
Et l’a renvoyée en chaudière
Où son mac l’attendait au sec
La rattrapait par l’fond d’son sac
Pour un baiser, deux coups d’matraque
Lui jurait des rêves bombecs
Mais le rêve’, il s’est envolé
Pour une’ plus jeune’, pour une’ plus belle’,
Elle a chu en fond de poubelle
La solitude’ pour liberté
Elle n’avait plus le choix des larmes
Pas de possible autre bouche-trou
Elle connaissait les plaques’ d’égout
Sur l’bout des doigts, comme’ les gendarmes
Mais aujourd’hui, elle sait pourquoi
Elle continue ses gentillesses
Elle transforme son pain de fesse
En croquettes et pâtées pour chats
Elle n’a jamais eu d’héritier
Ça lui laissait d’l’aride’ dedans
Alors, pour voir la vie en grand
Elle adopte tous les minets
Ils sont sa vie, son isol’ment
La douceur de sa peau crevée
Ses empêcheurs de regretter
Quand la mort souffle ses serments
Dans la pudeur de la vieillesse
Elle sait qu’une’ femme’ doit pas faire ça
Et entre deux lessives’ de draps
Va pour un confesse’ et une’ messe
Au fond, c’est une’ sacrée gonzesse
Ses yeux ombrés d’un rose’ naïf
Cache un passé du subjonctif
Conjugué d’un trop d’gentillesse
11 janvier 2017
© Ysa Gudule
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